Des chidolles pour chasser l’hiver

Comme le veut la tradition de Rombach-le-Franc, les feux de la Bûre organisés par le comité des fêtes du village se sont déroulés samedi 23 mars sur le Rain de l’Annot. Ce lancer de chidolles à la tombée de la nuit marque le passage de l’hiver au printemps.

J.-L. K. – 26 mars 2024 à 18:45 

Il n’y avait pas la grande foule samedi soir sous le chapiteau chauffé de la place des Fêtes de Rombach-le-Franc pour participer à l’édition 2024. Le vin chaud et les tartes flambées étaient pourtant excellents, mais comme pour retarder le printemps après deux journées plus ou moins ensoleillées, le général hiver a encore fait des siennes et les conditions météorologiques étaient pour le moins exécrables.

Par ailleurs, cette manifestation a subi la concurrence directe de la représentation théâtrale à l’espace Raymond-Hestin et le loto à la salle polyvalente de Lièpvre.

Alors que le grand feu illuminait le Rain de l’Annot et que sonnaient 20 h, les premières chidolles traçaient dans le ciel de petits éclairs éphémères au milieu des larmes abondantes de pluies. Une bonne dizaine de lanceurs, sous la houlette de Corinne Ménétré, présidente du comité des fêtes, et du maire Jean-Luc Fréchard, ont perpétué cette tradition dans la bonne humeur, malgré les mauvaises conditions météorologiques et les flaques d’eau.

L’occasion pour le premier magistrat du village de lancer en patois « En va vous r’Kanté lè tradition de Bure », autrement dit, « on va vous raconter la tradition de la Bûre ».

« Une tradition païenne »

Un texte écrit en patois et traduit en français par l’association table de patois de la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines.

« Chez nous, c’était une tradition païenne qui se passait à la fin de l’hiver. Dans notre village, on faisait un grand feu pour chasser l’hiver on disait alors pour mettre l’hiver dehors. Un feu qui était formé par un grand tas de bûches. À Rombach-le-Franc, il y avait quatre endroits où on faisait la Bûre : la bosse de Hyppolyte à la Hingrie, aux Evaux, au Feignet et sur les hauteurs de Hargoutte. La semaine précédente, les garçons, parfois les conscrits, allaient dans les maisons chercher du bois en disant “Du bois, du bois pour la Bûre”. La veille au soir, il fallait monter la garde près de la Bûre car il ne fallait pas que d’autres viennent y mettre le feu. Les jours précédents, les femmes confectionnaient des beignets déposés dans des paniers en osier pour le samedi soir. Quand la nuit tombe, toutes les Bûres étaient allumées simultanément et cela donnait une belle clarté aux alentours. »

Jean-Luc Fréchard d’évoquer encore le lancer des disques enflammés : « Durant l’hiver les vieux menuisiers fabriquaient des disques dans une poutre de hêtre de 10 cm sur 10. Ils coupaient des bouts de 10 cm d’épaisseur, faisaient un trou au centre et les taillaient en biseau avec un couteau à bois. Il fallait des branches de noisetier pour lancer les disques et un petit feu à côté pour les enflammer. Après, on les faisait tournoyer dans l’air avant de les taper sur une planche en disant “Chidolles, Chidolles à la santé des beignets”, tout en faisant un vœu ».